lundi 13 juillet 2009

L'Internet arabe: entre le mythe et la réalité

Symbole d'une mondialisation trionphante, fondée sur la connaissance et la logique de partage de l'information, Internet, le réseau des réseaux, est riche de conséquences pour l'avenir de l’humanité toute entière.Tenter de comprendre la réalité du phénomène dans le monde arabe n’est pas chose facile. Toutes les approches ont leur intérêt mais aussi leurs limites. Deux approches méritent cependant d’être considérées.

Ø Selon l’approche linguistique, l'Internet arabe désignerait cette portion de la Toile, d’expression arabe. Si le critère de la langue a le mérite de mettre l’accent sur la question cruciale du contenu, il reste imparfait, ne serait-ce que parce qu’il entretient la confusion avec « l'Internet islamique», synonyme de sites non-arabes utilisant la langue arabe, langue du Coran, dans un but de prédication religieuse. Inversement, dans plusieurs pays arabes, y compris maghrébins, l'anglais tend à devenir la langue usuelle la plus fréquemment utilisée sur Internet. En définitive, l’instauration progressive d’un environnement multilingue dans le monde arabe tend à réduire la pertinence du critère de la langue arabe, en tant que facteur exclusif d’identification du monde arabe sur la Toile.


Ø L’approche par les usages se heurte, quant à elle, à la méconnaissance du terrain et offre, par conséquent, des possibilités limitées de compréhension de la réalité de l’internet dans le Monde Arabe. En effet, jusqu'au début des années 2000, c’est le marché mondial des compétences qui a fourni l’essentiel des producteurs (informaticiens, programmeurs, créateurs et animateurs de sites…) et favorisé l’émergence de consommateurs, parmi les élites urbaines, avec l'ouverture des premiers cybercafés arabes (Alger, Beyrouth, le Caire…). Depuis, les signes d’une « démocratisation numérique » se sont multipliés. La pratique de l’internet dans le monde arabe n’est plus le privilège de cercles restreints. Elle gagne désormais les espaces urbains les plus communs et s’étend à toutes les franges de la population, notamment aux jeunes (plus de 70% des internautes arabes), favorisant du même coup de nouvelles pratiques culturelles, sociétales et ludiques.

Ces signes encourageants permettent-ils de conclure que le Monde Arabe est passé à l’âge de l’information ? Rien n’est moins sûr.

La situation d'Internet dans le monde arabe reste, en effet, globalement négative. Tous les rapports des Institutions multilatérales (PNUD, Banque Mondiale…) relèvent le retard accusé par les sociétés arabes dans le domaine des technologies de l'information et de la communication. Les sources arabes confirment ce scepticisme, en faisant état de la faible proportion de sites arabes sur le web, du nombre d’internautes arabes, qui reste bien en-deçà de la moyenne mondiale (41 millions d’utilisateurs, soit 2,6 % de la population mondiale des internautes), malgré la forte progression observée ces dernières années (1.545 %, entre 2000 et 2008)

Les perspectives ne sont pas aussi sombres que les réalités, si l’on considère les politiques publiques en faveur de la diffusion des TIC et de la généralisation de l’utilisation de l’Internet dans le Monde Arabe. Le développement infrastructurel (fibre optique, large bande…), le desserrement du contrôle sur internet (y compris dans des pays conservateurs), la démocratisation de l'accès à la Toile, grâce a des coûts de connexion en diminution et l'arrivée du haut débit (14.2 % de la population arabe est aujourd'hui connectée à Internet) sont autant de signes prometteurs.

Il semble qu'à l’exception de quelques régimes conservateurs qui continuent de croire aux vertus de la censure, les pouvoirs publics arabes ont fait le choix de la liberté d'expression sur le Web. Un acquis important qui reste à consolider par des initiatives économiques audacieuses (gratuité de communications téléphoniques locales, aides financières à l’acquisition de micro-ordinateurs…). Au plan régional, ce sont la promotion d’une véritable industrie du contenu (le contenu arabe sur l'Internet représente moins de 1% du contenu mondial) et la création progressive d’un marché arabe des TIC, qui constitueront le véritable tournant.

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