samedi 2 mai 2009

Regard profane sur la poésie arabe de la rupture.

Traversant une crise de valeurs qui n’en finit pas, le Monde Arabe hésite entre le désir de préserver son identité et la tentation d’éprouver la nouveauté. Ce dilemme conduit à l’affrontement, parfois violent, entre la vision théocentriste traditionnelle et la vision anthropocentriste moderne.

Historiquement, l’écriture coranique a constitué la première manifestation de modernité au sens ou l’Islam à constitué une authentique révolution sur la bédouinité et la jahilia. A partir du VII siècle, l’écriture prend son sens créateur avec le mouvement soufiste et, plus tard, avec les Abbassides, sans pour autant réduire l’influence de la tradition orale sur l’esprit arabe, ni remettre fondamentalement en cause le cadre classique de la production poétique. Les courants les plus novateurs de l’époque continuaient, en effet, à considérer que toute forme d’écriture doit simplement imiter la sainte écriture, idéal normatif et symbole de la modernité absolue, c'est-à-dire hors du temps et de l’espace. Cet absolutisme ne tarda pas à entrer en conflit avec le paradigme de la modernité, dont le changement est l'essence même, et à alimenter une vaste débat sur la question de savoir si héritage culturel arabo-musulman entrave ou non la modernité dans cette région du monde.

Au début du 19ème siècle, le dogmatisme est remis, pour la première fois, en cause avec l’expédition napoléonienne en Egypte, qui divisa l’intelligentsia arabe en deux camps opposés avec, d’un coté, ceux qui considèrent le modèle culturel occidental est une chance à saisir et, de l’autre, ceux qui refusent ce modèle, le considérant comme un danger. La pensée arabe à longtemps oscillé entre ces deux courants extrêmes.

A la veille de la 2ème Guerre Mondiale un courant réformiste modéré, Inspiré des idées de Djamel Eddine El Afghani, voit le jour. Ce courant, dont le représentant en Algérie fut Cheikh Abdelhamid Ben Badis, favorise l’émergence, dans le Monde Arabe, d’une poésie de rupture, incarnée, d’abord, par Jabran Khalil Jabran, qui a réinventé l’expression littéraire arabe et, plus tard, par Mahmoud Darwish et Adonis. Ce dernier s’impose comme le représentant incontesté de la modernité poétique arabe, au sens ou dans sa poésie est en rupture avec la rhétorique, la contemplation mystique et l’exaltation du passé, qui sont le propre de la société bédouine traditionnelle arabe.  

Le vaste mouvement de traduction des cinquante dernières années a davantage fait connaitre au public arabe les grands courants littéraires occidentaux, suscitant un renouvellement du langage   poétique arabe, avec le rejet des formes traditionnelles au profit d’une prose plus «anarchique»  exprimant un nouveau rapport à l’écriture et la réalité (évocation du vécu). Trois courants ont dominé cette période de mutations sociales profondes (constitution de la bourgeoisie arabe en classe sociale). Il s’agit de l’expérience de l’attachement radical au changement (Mahmoud Darwish), de l’expérience moderniste, enracinée dans l’authenticité (Khalil Hawi) et l’expérience du «moi» (Adonis).

Sur la question sensible de «l’héritage» Adonis, tout en considérant que s’affranchir totalement de son passé signifie « mutilation de sa personnalité et rupture fantasmatique avec son histoire », admet la nécessité, pour la pensée arabe, d’abandonner les « semences mortes » et de recherche de « nouvelles graines » pouvant constituer un point de départ.

Plus qu’un refus des formes et du style classique, la nouvelle poésie arabe bouleverse  notre façon de s’exprimer, de voir et de concevoir.

Azeddine ABDENNOUR 

2 commentaires:

Oldstone a dit…

Je suis une nouvelle fois ravi de lire de vous des propos aussi dignes d'intérêt...Bon courage

Anonyme a dit…

Nous vous remercions de intiresnuyu iformatsiyu